Maman Voyage

Notre vie en Angleterre #84 : en quarantaine

Cela fait huit jours que nous sommes en quarantaine. Il nous en reste encore deux pour la terminer. Ce sera une façon comme une autre de célébrer le changement d’année !

D’ailleurs, pour la petite histoire, en Angleterre, la quarantaine était de 14 jours et elle est passée à 10 jours au moment où nous partions. Un bon timing. On se réjouit de peu ces temps-ci. En Allemagne, nous étions également en quarantaine donc, en tout et pour tout, nous aurons eu une bonne dose ! Nous sommes super entraînés pour le prochain confinement ! Youhou !!

Quelle aventure en tout cas cette fin d’année ! Au début, tout commençait pour le mieux. Après le dernier jour d’école, nous avons attendu cinq jours avant d’aller retrouver Omi et Opa, histoire de réduire le potentiel risque lié à l’école. En Allemagne, nous étions en quarantaine chez mes beaux-parents. Cela ne nous dérangeait pas car finalement les fêtes de fin d’année sont toujours très casanières et mes beaux-parents ont une belle ancienne maison, si typiquement allemande qu’elle est à elle-seule un voyage spatio-temporel. Malgré un froid glacial, il y avait un grand soleil. Nous avons donc pu jouer au Mölkky, ramasser les feuilles mortes, admirer les sapins et parce que nous avons pris à la lettre la recommandation de ne pas passer trop de temps à table, nous avons commencé notre Réveillon, dans le jardin, autour d’un feu de camp. Contrairement à ce que je craignais, Titpuce ne s’est pas trop formalisée sur le fait que nous fêtions Noël avant la date officielle donc la légende du Père Noël aura survécu à l’année Covid ! En choisissant de séjourner avec mes beaux-parents et non en total isolement, nous avions la contrainte de ne pas être autorisés à rester plus de trois jours (c’était la règle dans leur Land). Mais notre périple en valait la peine : voir briller les vraies bougies dans le sapin (le seul vrai sapin selon Titpuce c’est celui de Omi et Opa !), et surtout voir briller les yeux des enfants !

Puis le timing est devenu plus compliqué : rester au maximum des trois jours autorisés en Allemagne tout en arrivant avant le couvre-feu à Paris ! Heureusement, le trafic était fluide sur l’autoroute. Malgré tout, entre les pauses et les nombreux kilomètres, nous avons fini par nous retrouver dans « le bouchon du couvre-feu » ! Nous aurions dû y penser : quand tout le monde vise 20h cela ne passe pas ! Par miracle, nous avons trouvé une place de parking juste devant la résidence de tourisme où nous avions réservé un appartement. Deux minutes avant de nous transformer en citrouilles, nous avons pu faire notre self check-in ! (Au passage, j’apprécie que le self check-in soit devenu une option répandue,… même sans pandémie, c’est drôlement pratique !).

Etant donné les circonstances, nous n’avions prévu de ne rester qu’un jour à Paris. Je n’avais pas vu ma petite sœur, mon petit frère et ma mère depuis bien trop longtemps. Sous une pluie fort désagréable (qui aurait rappelé l’Angleterre à ceux qui ne me lisent pas et croient encore à ce cliché :-)), nous avons pu échanger quelques nouvelles et quelques sourires avec chacun d’eux, séparément, mais j’ai chopé une bonne grosse crève, ce qui n’est pas le truc le plus tendance dernièrement ! Même si ces rencontres ont été super brèves, cela faisait un bien fou de se revoir enfin ! Hélas, l’actualité est venue assombrir le tableau : nouvelle variante du virus en Angleterre et fermeture des frontières ! En quelques heures, nous sommes devenus des pestiférés. La situation devenait catastrophique au UK (et l’est toujours). Des mamans anglaises ont commencé à m’envoyer des messages pour me conseiller de rester en France, que c’était la panique en Angleterre et qu’elles se sentaient comme prise au piège sur leur île. Sans oublier le sujet Brexit qui risquait de mal tourner pour une histoire de poisson ! (C’est vrai que c’est poissonneux ici : le petit pêcheur de notre village nous vend la coquille St Jacques à 50 centimes car ça n’intéresse pas trop les Anglais… Vous voulez une caisse ? Ah non, zut y a de petits soucis logistiques à la frontière… !). La fin de notre journée parisienne ? Nous sommes remontés dans notre van et en prévision d’un no deal, nous nous sommes arrêtés chez notre caviste pour ramener 90 litres de vin (le max autorisé). Il était content le monsieur…  Il nous a quand même demandé si nous avions compris que le nombre de convives était limité pour les fêtes ! Nous lui avons expliqué que nous vivions en Angleterre. Il a totalement compati et nous a offert une bouteille de son plus vieux rhum !! Puis, nous sommes passés dans notre propre cave, celle où nous avons entreposé les affaires restées à Paris. Nous avions urgemment besoin des rallonges de matelas des enfants ! Vous savez, nous avons ces lits qui grandissent avec l’enfant… sauf que nous, en parents qui se voilent la face concernant la vitesse de croissance de leur progéniture, nous pensions qu’en deux ou trois ans en Angleterre, nous n’aurions nul besoin des rallonges ! Time flies!

Bref, nous reprenons la route, pour rentrer chez nous, sur notre pauvre île. J’ai demandé à Papa Voyage de passer devant l’Opéra Garnier avant de rejoindre l’autoroute, car ma puce rêvait de le revoir. Nous nous sommes alors retrouvés dans un embouteillage incroyable à cause du Boulevard Haussmann et des Grands Magasins devant lesquels s’entassait une sacrée foule pour voir les vitrines animées ! A part ça, le sport, le ski et la culture, c’est trop dangereux… Mais passons… Évidemment, aucun soucis pour retourner en Angleterre. Le tunnel n’était fermé que dans le sens Douvres -> Calais. Tout le monde est très content que les Anglais ou simili-Anglais veuillent rentrer chez eux ! Nous étions d’ailleurs la seule voiture française. Aucune file d’attente. Au poste de contrôle français, on nous a même souhaité bien du courage ! A défaut de courage, nous avions 90 litres de vin ! En ressortant côté anglais, nous avons vu cette incroyable file d’attente de plusieurs kilomètres de camionneurs coincés devant le tunnel. C’était lunaire !

Depuis ? Nous sommes chez nous, tranquillement en quarantaine. Nous avons fêté Noël à la maison et nous nous apprêtons à fêter le Nouvel An de même. Comme des Robinson Crusoé. Pour Papa Voyage, c’était la première fois qu’il ne passait pas le jour de Noël chez ses parents. C’était émouvant. Moi, j’en ai eu pas mal des Noëls atypiques mais ce serait une longue histoire… En tout cas, comme beaucoup de monde, nous n’oublierons pas Noël 2020. C’est certain. Surtout que Papa Noël Boris, après avoir déclaré qu’il « annulait » Noël à cause de la nouvelle vague (hélas je ne parle ni de cinéma ni de musique !), il a finalement décidé de monter sur son traîneau pour nous apporter un Brexit Deal le 24 au soir ! Franchement ! ça pouvait pas attendre ??? Au point où on en était ! Le mec, il voulait vraiment monopoliser la soirée ! Et là, nous avons bien ri car grâce à ce deal, il n’y aura ni taxe douanière, ni quotas donc… nous avons fait des stocks de vin français pour rien ! Remarquez, pour le prochain confinement…

 

Le deuxième jour de notre quarantaine, nous avons eu un coup de fil de contrôle des autorités sanitaires. Ils voulaient savoir si nous avions bien compris les enjeux de la quarantaine et surtout si nous savions compter nos jours de quarantaine. Yes Sir! En France et même en Allemagne, on sait compter jusqu’à 10 ! Ils sont drôles ces Anglais ! Mais finalement, la subtilité qu’ils ont partagé avec nous, c’est qu’il faut compter des jours entiers. Ah voilà ! Y avait un trick comme ils disent ! Mais bon, nous on n’est plus à ça près ! Nous sommes les rois de la quarantaine !

Au fait, parce que tout le monde semble parler de tests PCR en France et je reçois pas mal de questions dans ce sens :  oui, en théorie on pourrait faire un test pour écourter notre quarantaine MAIS… moi qui vous raconte (trop) souvent les avantages de la vie en Angleterre, je dois sans doute rappeler de temps à autre qu’ici, ce n’est pas le pays le plus social du monde. Loin de là ! En gros, pour le chômage et la sécu, passez votre chemin ! Donc, pour faire gratuitement un test PCR, il faut : être malade !!! Avoir de la fièvre ou une toux continue ! Et sinon, il faut payer très cher ! Dans mon coin, l’option la plus raisonnable en prix c’est 104£ par personne mais à ce tarif, ils nous envoient les kits par courrier ; on doit faire la manip nous-mêmes et renvoyer le kit pour recevoir le résultat vers le 15 janvier car ils sont débordés ! Il paraît que certains médecins dans le privé ont encore quelques créneaux à 400£ par personne. Voilà !

Parlons de cette quarantaine (oui, je sais, mon billet commence à être un peu long mais moi j’ai le temps justement :-)…) : j’en profite pour faire travailler le français aux enfants car Ticoeur et Titpuce ne parlent plus qu’en anglais entre eux !!! So scary! J’ai donc mis ma casquette de prof de conjugaison, grammaire et orthographe… En projet plus amusant, nous avons décidé d’apprendre la guitare (ma petite sœur nous a offert la sienne en cadeau de Noël). Les enfants sont sur le thème d’Harry Potter et moi sur ABBA… Le fossé de générations quoi !

Papa Voyage est comme d’habitude en télétravail donc il doit réussir à bosser dans une certaine cacophonie musicale. A part ça, la quarantaine ne lui change pas trop son quotidien. Moi si, car c’est la première fois depuis que nous vivons ici que je ne vais pas saluer la mer le matin (je devrais survivre : j’étais Parisienne dans une autre vie…!). Je sens le parfum de l’air marin et j’entends parfois la corne de brume des navires mais je ne peux pas voir la mer de notre maison. Par contre, la nature est adorable avec nous. Tous les animaux du coin nous tiennent compagnie. C’est étrange. Comme s’ils savaient que nous étions seuls. Peut-être qu’ils sont eux aussi en manque de contact humain ? Tous les soirs, il y a cette chouette qui hulule. Au début, cela me faisait peur mais à présent, j’ai compris qu’elle était là pour nous transporter dans un conte fantastique. En journée, il y a les écureuils, les faisans, un couple de rouge-gorge (du moins, je suppose qu’ils sont en couple mais je n’ose pas leur poser la question). Tôt le matin, plus rarement, un cerf. Et le soir, alors que les enfants sont au lit et que nous regardons Netflix en buvant notre vin (il faut bien !), un renard passe devant nos fenêtres, déclenchant les lumières dans le jardin et se retrouvant ainsi tel un comédien sur scène qui aurait oublié sa réplique. Enfin, il y a le petit chat des voisins qui ose s’approcher quand il voit Ticoeur et Titpuce. Il doit se souvenir que les enfants lui ont donné du lait tous les jours pendant que ses maîtres étaient en vacances cet été. Je comprends que tant de personnes aient pris un animal de compagnie pour survivre cette année. Je n’en suis pas là mais j’apprécie les petites visites quotidiennes de nos amis.

En dehors de notre bulle, j’ai l’impression que c’est l’apocalypse donc nous sommes pas mal dans notre maison, notre jardin et les animaux. Le mimosa est en fleurs et il est magnifique ! Dans deux jours ce sera la nouvelle année. J’appréhende les prochains mois. Même si je doute fort que la nouvelle variante du virus soit une spécialité uniquement anglaise, il me semble clair que nous allons être isolés un bout de temps sur notre île !

Dans deux jours, ce sera la nouvelle année. Mais mon article est suffisamment long comme ça. Je ne me sens plus d’écrire un petit bilan de 2020. Dans quelques jours je m’y collerai, peut-être, histoire de précieusement conserver une trace des échappées, des parenthèses, des bons moments, les seuls qu’il faudra retenir…

Dans deux jours, ce sera la nouvelle année. Et la seule certitude que j’ai, c’est que nous aurons fini notre quarantaine.

Carpe Diem!

Quitter la version mobile